Réflexions sur feu, forêts et biodiversité par Pierre Monge

 

Réflexions sur feu, forêts  et biodiversité                           14/09/2010

Quels sont les effets du feu sur les forêts et la biodiversité, voilà une question primordiale. Les forêts boréales ont connu en effet cet été de très sérieux dégâts. En Russie plus de 10 millions d’hectares de forêts auraient été ainsi sinistrés à mi-août. Au Canada, plus de 6 millions d’hectares, dont la moitié dans le seul Saskatchewan(1). L’animation de 38” accessible grâce au lien ci-dessous semble de ce point de vue très éclairante (2).L’imagerie satellite et le traitement concomitant permettent d’avoir ainsi une première idée approximative de l’étendue des catastrophes de cet été, à partir de l’analyse des taux de monoxyde de carbone à 5,5 kms d’altitude. Les fausses couleurs accentuent certes le caractère alarmiste de cette intéressante animation. Mais il est clair que les forêts boréales de l’hémisphère Nord ont subi de très graves dégâts, dont certains pourraient être irrémédiables. Il devient donc urgent de mieux évaluer l’impact réel des incendies de forêts sur la biodiversité et la vie. Et de concevoir et mettre en œuvre des mesures réellement préventives.

 1/Du point de vue du cycle de l’oxygène. Des feux de forêts aussi étendus consomment en premier lieu de très considérables quantités d’oxygène. En second lieu, ils compromettent de façon profonde et durable la capacité de photosynthèse. Il en résulte une réduction concomitante de la capacité de renouvellement de l’oxygène atmosphérique ; la teneur en oxygène a fortement oscillé dans le temps (de 16 à 34%, puis 21% actuellement).

2/Du point de vue du cycle du carbone, et parallèlement, du fait de la régression des moyens de photosynthèse, on devrait pouvoir observer la disparition ou tout du moins une réduction sensible de l’effet « puits de carbone » des étendues forestières détruites.

3/Du point de vue de la qualité de l’air, les fumées émises par les feux génèrent des pollutions et comportent des  émissions de gaz toxiques. Certains de ces derniers sont inodores, tel monoxyde et dioxyde de carbone, mais fatals pour vie et biodiversité. Les conséquences peuvent être aggravées si des constructions ou des matériels situés dans des zones sinistrées brûlent corrélativement (installations diverses ou bâtiments ; dépôts ou  entrepôts, notamment de matières explosives, de gaz  ou de carburant ; conduites de ces

(1)Noter que les données chiffrées publiées mi-août à cet égard sont devenues indisponibles. (2)JPO-NASA’s AIRS instrument sees spread of wildfires pollution; 11/08/2010

http://www.jpl.nasa.gov/video/index.cfm?id=924

derniers et stations de compression ou de pompage; installations industrielles, civiles ou militaires touchées par le sinistre ; matériels divers comme automobiles ou avions). Où, quand et comment ces produits et résidus de combustion parfois  très toxiques vont-ils se diluer dans l’atmosphère, telle est la question. Transports et concentrations dépendent essentiellement de courants atmosphériques, par ailleurs assez mal connus. Que sont devenues par exemple les très fortes concentrations de monoxyde de carbone observées le mois dernier dans l’hémisphère boréal, voilà une autre  question.

4/Du point de vue de la quantité et de la qualité de l’eau. La consommation d’eau pour la lutte anti-incendie peut épuiser ou aggraver les taux de concentration de pollutions dans l’eau devenant alors impropre à ses usages.  Les cendres, poussières et résidus divers de combustion plus ou moins toxiques sont lessivés et entraînent des pollutions des cours d’eau (et éventuellement des mers) et de l’azote (disparition ou réduction du rôle régulateur des forêts, notamment pour la résorption de nitrites et nitrates) ; du point de vue des pollutions par des produits retardateurs de combustion ou anti-flammes. Ou tout autre produit toxique libéré par les incendies. Cela semble de nature à accélérer ou accentuer encore pollutions, eutrophisation, acidification et salinisation des eaux tant marines que continentales. La disparition ou la régression de la couverture végétale fragilise enfin les sols en favorisant l’érosion tant par les eaux que par les vents.

5/Impact réel sur maladies et espèces invasives des forêts. Il est probable que les espèces invasives sont en mesure de mettre à profit mieux que d’autres les éclaircies et opportunités que produisent les incendies. Ces derniers rendent par ailleurs les arbres beaucoup plus vulnérables aux attaques de maladies et parasites divers.

  6/ Des atteintes considérables à  la biodiversité animale et végétale pourront sans aucun doute être observés. Chaque fois qu’un incendie de forêt se produit, il y a destruction et/ou déplacement de faune et flore, de microfaune et microflore. Plus les organismes vivants  sont petits et/ou moins ils sont mobiles, plus ils sont menacés par le feu. Micro-organismes, petits animaux vertébrés ou insectes travaillant activement à la fertilisation et à la reconstitution des sols paient ainsi un très lourd tribut au feu. Il conviendrait de ne pas l’oublier. Jeunes sujets de la faune et de l’avifaune, du faon au marcassin, de la couvée non encore éclose à l’oisillon de caille ou de perdrix, sont très vulnérables au feu. Le spectacle d’un cadavre d’écureuil brûlé ou d’un lucane ou scarabée est difficilement soutenable. Celui d’une personne victime d’incendie en forêt l’est encore plus. Notamment s’il est professionnel ou volontaire de lutte contre les incendies.  Cela n’est ni admissible, ni tolérable. Ce ne sont sûrement pas les bûchers du Moyen-Age et de la Renaissance qui ont fait la grandeur de ces époques.

7/Des dégâts importants à l’habitat et aux établissements humains ont été occasionnés. Les tribus qui habitent des zones incendiées perdent tout. La personne résidant dans une ville, un quartier ou une maison détruits suite à des incendies de forêt. Le promeneur ou le pompier intervenant brûlés vif parce que pris dans un feu de forêt, voilà des évènements graves qu’il faudrait prévenir et éviter absolument.

Les forêts équatoriales et tropicales ont été également atteintes. Un seul exemple. L’Asie avait son fleuve jaune, le Hoang-Ho. L’Afrique a maintenant son fleuve noir, le Congo. Voir par exemple sur les images satellite l’embouchure de ce fleuve déverser dans son canyon marin des masses d’eaux noirâtres inclinerait à penser que l’on pourrait retrouver là des résidus de combustion de forêts primaires détruites à jamais, avec l’habitat qu’elles constituaient, avec la très riche faune et la très belle flore, l’extraordinaire biodiversité qui y était attachée.

8/Il devient donc important et de plus en plus urgent de réfléchir par ailleurs à des outils et/ou mécanismes, à des politiques de prévention. Au choix d’essences résistant mieux au feu (et aux autres éléments ; quand on voit l’invasion des paysages par molinies et herbes de la Pampa, on se demande à quoi pensent paysagistes et aménageurs). A la conception et à la réalisation (ou au maintien) d’écosystèmes régulateurs de l’ensemble des éléments. On est trop souvent loin des normes suédoises de sécurité, qui prévoient des bacs à sable avec pelle et seau disposés de manière rapprochée le long des routes pour permettre d’arrêter rapidement les feux dès le démarrage,  sans  usage de produits toxiques et/ou dangereux pour l’environnement. Et la multiplication des plantes invasives servant de réservoir au feu devrait être mieux contrôlée, autrement que par des écobuages destructeurs et meurtriers, parfois même pour des humains.

Conclusion

Certains pensent que le feu régénère tout (« igne natura renovatur integra »). Malheureusement, les effets du feu sont trop souvent incontrôlables, incontrôlés, trop souvent mésestimés, voire même totalement méconnus. Dès la Grèce dite archaïque, le feu n’est plus utilisé que pour chauffer les foyers domestiques. Dans la description du milieu et des techniques agricoles utilisées à l’époque, Hésiode ne mentionne jamais le feu comme moyen de défrichage ou de culture. Même pas comme moyen pour durcir le bois de chêne vert recommandé pour confectionner l’âge ou haye de l’araire (Travaux, v.427). Il ne mentionne donc pas davantage le feu comme danger pour les forêts ni les moyens pour le contenir. En revanche, il décrit de manière détaillée les effets du vent sur faune et flore, sur les animaux et les hommes, et sur les précautions à prendre pour éviter ses inconvénients (Travaux, v. 504 à 563). En conclusion, lorsqu’il met le feu, l’homme se prend pour Prométhée. Mais il n’est en fait qu’un destructeur. Et à la limite un malade qui manifeste le syndrome d’Erostrate. Mettre le feu à l’Artémision d’Ephèse pour accéder à l’immortalité, ne serait-ce pas une manifestation de simplicité mentale, pour ne pas dire de folie ? Il ne faut sûrement pas cultiver la peur du feu. Mais il faut sûrement beaucoup plus sensibiliser l’opinion aux risques trop souvent incontrôlables qu’il comporte. Aux conséquences très lourdes qu’il peut avoir pour l’environnement, pour la biodiversité et la vie. Oui, le feu est sans aucun doute le risque majeur pour la biodiversité. Parce que trop de personnes pensent pouvoir jouer impunément avec le feu.

                                                                                                                                    Pierre MONGE
                                                                                                                                                FIHUAT

 

PS/ Les forêts de mangroves font partie des écosystèmes non seulement les plus efficaces pour la protection de l’environnement et du littoral contre les éléments, mais encore les plus riches du point de vue biodiversité. Pourtant, des observations  relevées par le satellite Landsat révèlent que leur étendue est sensiblement inférieure aux estimations passées. Leur déclin est réel, et ce phénomène semble préoccupant. Il n’en reste plus que moins de 148.000 km2. Les trois quarts sont répartis entre 45 pays seulement, et moins de 7% sont en principe protégés. 35% ont disparu en 20 ans (1980 à 2000). (e! Sciences News  18/08/2010). Pourtant, il n’est rien de plus efficace pour réguler les éléments tout en hébergeant une faune et une flore des plus superbes.

 

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